Cette recherche se propose de faire l’analyse d’un phénomène qui a pris naissance
dans les travaux de recherche et dans les essais critiques qui ont proliféré depuis le
milieu des années 1980 pour dénoncer l’incapacité de l’école à former et à qualifier
les jeunes qui la fréquentent. Une simple idée fut à la base de ce qui deviendra un
projet : « et si les enseignants pouvaient être considérés comme les acteurs clés de
la réussite des élèves… ». Cette idée allait à l’encontre des travaux de la sociologie
de l’éducation des années 1960-1970 selon lesquels la réussite scolaire dépendait
bien plus de l’origine sociale des élèves que des méthodes pédagogiques ou de la
qualification et de la bonne volonté du personnel enseignant. Mais si, en revanche,
les enseignants ont un effet non négligeable sur les résultats scolaires, alors leur
formation doit être conçue et réalisée avec soin, avec professionnalisme. Cette idée
séduira de plus en plus de chercheurs en sciences de l’éducation et s’imposera, au
cours des années 1990, comme le noyau dur des réformes des programmes et des
institutions de formation des enseignants dans la plupart des pays occidentaux.
À peine une décennie après sa mise en politiques éducatives que des chercheurs
reprochent déjà aux décideurs du champ éducatif de fabriquer des politiques et aux
institutions de formation de concevoir des programmes qui négligent les données les
plus fiables de la recherche en matière de méthodes et de procédés
d’enseignement. La professionnalisation de la formation des enseignants ne serait,
aux yeux de ces chercheurs, qu’un leurre pour masquer l’ignorance ou le parti pris
idéologique des décideurs. Pour d’autres, le modèle de professionnalisation promu
par les politiques et les institutions de formation ne pourrait être mis en œuvre et
donner son plein rendement dans des établissements qui fonctionnent encore selon
le modèle bureaucratique. Et c’est pourquoi, pour les uns comme pour les autres,
les pratiques pédagogiques des enseignants ne pourraient pas s’inspirer des géné-
reuses promesses de la professionnalisation quant à l’efficacité des méthodes
d’enseignement et à la réussite du plus grand nombre d’élèves.
En analysant le contexte international, européen et suisse de leur émergence et de
leur développement, en étudiant les travaux qui leur ont été consacrés, les politiques
et les législations dont ils ont fait l’objet, cette communication tentera de cerner les
contours des modèles et des conceptions de la professionnalisation, souligner les
écarts dans leurs interprétations, mettre en évidence les facteurs qui expliquent la
variation dans leurs traductions en programmes, en cours et en activités de forma-
tion. En examinant les discours des décideurs et des acteurs de terrain – forma-
teurs, enseignants en exercice –, elle mettra en évidence les effets ou le manque
d’effets de la professionnalisation sur l’enseignement et sur le travail au quotidien
des enseignants.
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